On connait tous et toutes le sort de nos livres prêtés. Ils ne nous reviennent plus. Soit. Perso, je préfère les donner que les prêter. Mais qui connait l’histoire de la colère des livres qu’on n’a pas encore lus ?
Le tsundoku, donc (du japonais tsumu, « empiler », et doku, « lire »), à ne pas confondre avec sudoku, consiste à amasser des livres, chez soi, sans les lire.
Amasser des livres sans les lire : art ou paresse ?
Que pensent ces livres entassés dans un coin ? Je les imagine tramer un complot, jaloux de leurs confrères passés dans les mains et devant les yeux de leur maitre.
Il n’y avait pas de chef. Enfin, je ne pense pas. Ou alors, peut-être ce petit livre de développement personnel ? Abîmé, sans âme. Et jaloux.
Oui, c’est lui qui a tout organisé, tout planifié.
Tout commença un soir, je cherchais un document dans mon bureau. Dans la pénombre, je heurtais la pile de livres non lus.
Le plus lourd d’entre eux (cocasse, après coup, un livre en anglais sur le copywriting) me tomba sur le pied. Un bon kilo et demi. Douleur immense.
Ce fut leur premier attentat, dans ma propre maison.
Vint le tour d’un de mes livres préférés, une pépite dénichée dans une brocante pour quelques cents. Un souvenir d’enfance avec, sur quelques pages, des annotations délicieuses.
Le livre s’est détruit dans mes mains, au moment où je le ramassais.
Suicide programmé. Ses pages se déchiraient sous mes yeux, mues par une force maléfique. J’étais fasciné autant qu’angoissé.
Une semaine plus tard, j’ouvrais par distraction un tout nouveau livre. Choqué sans doute par mon retard, il coupa mon index droit avec une de ses pages, perverse comme un mauvais rasoir.
Du sang coula sur ma nouvelle acquisition. « Bien fait ! » sembla dire cette dernière, connaissant le soin que je porte à mes achats culturels.
Pardon, livres non lus, vraiment.
Deux jours plus tard, place à un nouveau brigand, un livre ancien. Ce livre, le plus vieux dans ma bibliothèque – en réalité, candidat au titre, car non encore lu -, s’abîma d’un coup, rongé par la lignite et la lumière.
Dans sa décadence, il prit le soin de souiller mes doigts d’un jaune gras, tel un tatouage définitif.
Et puis cette odeur de pourriture ! Elle prit possession de mon bureau. Aération, nettoyage, produits magiques, rien n’y fit. Je n’allais pas tout déménager, tout de même ?
« Lis-nous, de la première à la dernière ligne, dévore-nous »… Une supplique, un ordre, une devise de cette bande de brigands, jalousant leurs pairs, rangés et de bonne famille.
Puis, je compris leur rage, leur désespoir. Je leur promis de prendre soin d’eux aussi, de les lire, de parler d’eux, de les offrir, d’y écrire des choses futiles ou utiles.
J’aime ce qui me nourrit, le boire, le manger, les livres (Étienne de la Boétie)
Il était temps. Il semblait que, dans leur coffre, dormait l’idée ultime pour assouvir leur revanche : de leur poids, faire céder l’étagère fragile, tomber sur moi, me rendre inconscient, me voir réanimé, quelques heures plus tard, ayant perdu la connaissance du français. Et moi, de trouver ensuite la lecture de ces livres impossible.
Moralité : prenez soin de vos livres, surtout des livres non lus, comme vous prenez soin des hommes.
À force d’aimer un livre, on finit par se dire qu’il vous aime.
— DameClicquot (@DameClicquot) July 31, 2019
✒︎ Nicole Védrès ✒︎ pic.twitter.com/XLPwAtvK8h
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Et vous, êtes-vous atteint(e) de ce mal ? Vos livres non lus vous en veulent-ils aussi ? Comment éradiquer ce phénomène ? Racontez, en commentaire. Ma technique : j’achète un livre quand j’en finis deux :-)
Mon ami Paul, lui, donne ses livres.
Je lis en numérique… et les livres digitaux s’accumulent dans ma liseuse.
Mais je ne dépasse pas un ratio de 10% de non lus (une manière élégante de dire que, comme la liste de livre lus augmente, celle des non lus aussi !)
🙂